La veille d’une opération vitale, Brock Thom a fait ce que son cœur désirait par-dessus tout : épouser la femme de sa vie.
Quelques jours avant son admission à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, Brock Thom, un entrepreneur en construction de 37 ans à la tête de sa propre entreprise depuis un an, se sentait essoufflé. Il décide alors de se rendre à la pharmacie pour vérifier sa tension artérielle. À trois reprises, l’appareil n’affiche « que des zéros », dit-il. Il ne se décide toutefois à appeler son médecin que lorsque les essoufflements ET une douleur à la poitrine le sortent d’un profond sommeil.
« C’est là que j’ai décidé que ce serait sans doute une bonne idée de voir mon médecin, dit-il. Mon rendez-vous était à 8 h. Mon médecin m’a tout de suite fait passer un électrocardiogramme et a diagnostiqué un “bloc cardiaque”. Il voulait m’envoyer à l’hôpital immédiatement en ambulance, mais ça me semblait exagéré, alors j’ai demandé à Melissa de me conduire. »
Brock et Melissa (Mel) sont ensemble depuis 2017. Ils forment un couple actif et en forme. Mel est massothérapeute, marathonienne et adepte de la musculation. Brock est entraîneur de soccer, sport qu’il pratique lui-même depuis toujours. À l’époque, ils attendaient leur premier enfant, qui devait naître quelques semaines plus tard.
À leur arrivée à L’Hôpital d’Ottawa, Brock a d’abord été placé sous surveillance au service des urgences avant d’être transféré à l’Institut de cardiologie.
« Juste avant le transfert, j’ai remarqué que sa tension artérielle était basse, 50 sur 17, raconte Mel. Je lui ai demandé s’il était étourdi. Il m’a répondu non. L’infirmière a repris sa tension artérielle, et la mesure était encore plus basse. Il a été transporté d’urgence à l’Unité de soins intensifs en cardiologie de l’Institut de cardiologie, où l’attendaient une nuée d’infirmières et de médecins. Douze heures après son rendez-vous chez le médecin, on l’amenait en salle d’opération pour sauver sa vie. »
Pour le stabiliser, du moins temporairement, les médecins ont décidé de lui implanter une pompe cardiaque Impella qui pourrait pomper le sang à la place de son cœur. Ils auraient ainsi un peu plus de temps pour déterminer quoi faire ensuite.
« Du plus loin que je me souvienne, mon cœur a toujours battu de façon irrégulière, dit Brock. Plus jeune, j’ai vu beaucoup de spécialistes, mais les symptômes n’étaient jamais très intenses. J’avais des épisodes d’étourdissements peut-être aux deux semaines ou aux deux mois. Personne n’a jamais pu expliquer ces étourdissements ni les lier à mon rythme cardiaque irrégulier. » À l’Institut de cardiologie, il a compris à quel point son état était grave. « C’était totalement surréel », dit-il.
« On nous a expliqué que, sans la pompe, Brock ne passerait pas la nuit, poursuit Mel. Ce fut la journée la plus longue de ma vie, je pense. Après l’opération, les médecins ont dit que tout s’était bien passé. Il avait survécu. Tout le monde est parti. J’ai attendu jusqu’à 4 h 30 du matin avant de rentrer à la maison. En entrant chez nous, l’idée qu’il ne rentrerait peut-être jamais m’a donné un coup. Je me suis tout de suite ressaisie et j’ai chassé cette pensée de ma tête. »
Dès lors, Mel a pris la résolution de rester optimiste. Aujourd’hui, lorsqu’elle raconte l’histoire, les gens s’étonnent que le choc n’ait pas provoqué un accouchement précoce.
« Ce n’était pas une option, dit-elle en riant. Bébé et moi tenions à ce que papa soit présent à sa naissance, et toutes nos énergies étaient concentrées là-dessus. »
Le temps presse
Aux soins intensifs, la photo d’échographie du bébé était scotchée au lit de Brock. Jusque-là, Mel et lui n’avaient pas voulu savoir le sexe. Ils voulaient avoir la surprise à l’accouchement.
« Les médecins et les infirmières me félicitaient quand ils voyaient la photo, dit Brock. Tout le monde qui s’occupait de moi est devenu très conscient de cet enjeu : j’allais être papa pour la première fois. »
Après l’installation de la pompe cardiaque, Brock a subi une autre intervention pour recevoir un stimulateur cardiaque externe. Les médecins discutaient maintenant d’une troisième intervention. Mel et Brock, de leur côté, prenaient aussi des décisions.
Brock voulait faire la grande demande à Mel. Il voulait l’épouser immédiatement, à l’hôpital. Le couple voulait aussi savoir le sexe de l’enfant pour pouvoir choisir son nom ensemble.
Ces choix montrent à quel point ils avaient peur que Brock ne survive pas à la prochaine opération.
« Je voulais en savoir le plus possible sur mon enfant, dit Brock. J’avais peur de ne pas le voir grandir. Cette semaine-là, les médecins pensaient que j’aurais peut-être besoin d’un nouveau cœur. Ces mots ont été très difficiles à entendre. »
Un coup de pouce du personnel
Brock avait déjà touché le personnel soignant au cœur avec son histoire lorsqu’il a révélé à trois personnes – sa sœur, sa mère et l’infirmière Christina McGuigan – son intention de demander Mel en mariage et de l’épouser à l’hôpital.
« Je voulais demander à Mel de m’épouser, mais je n’avais pas de bague, dit-il. C’était très spontané comme décision, et j’étais cloué à mon lit d’hôpital. »
L’infirmière Christina McGuigan a pris les choses en main. Elle a commencé par parler à sa superviseure pour savoir s’il était même possible de célébrer un mariage dans la chambre de Brock.
« Ma superviseure était partante », dit Christina, une Prince-Édouardienne très amicale. « Elle était enchantée, étant elle aussi une romantique. [Brock] m’a dit que des amis lui apporteraient une bague, mais que Mel arriverait à l’hôpital avant eux, alors il m’a demandé ce qu’il pourrait utiliser en attendant. Je lui ai dit que je lui trouverais quelque chose. »
Dans un élan d’inspiration, Christina lui a fabriqué une bague de fiançailles à partir de fils de stimulateur cardiaque – c’est ce que Brock a utilisé.
Mais l’infirmière ne s’est pas arrêtée là.
De l’extérieur de la chambre, elle a enregistré la demande en mariage sur vidéo (Mel a dit OUI!). Elle s’est aussi procuré les formulaires dont le couple avait besoin pour obtenir un permis de mariage. Après les avoir remplis avec Brock, Mel les a apportés à un service municipal où elle a pu obtenir le permis sur-le-champ.
« Christina est allée bien au-delà de son rôle d’infirmière en nous aidant à planifier notre mariage, dit Brock. Dès que ça a commencé à se savoir qu’il y aurait un mariage dans ma “chambre”, tout le monde a mis la main à la pâte. Le personnel infirmier a fait toutes sortes de décorations. Certains préposés ont aussi participé aux préparatifs. C’était incroyable. »
Le mariage, confirme Christina, était le résultat d’un travail d’équipe. « J’ai fouillé chez moi pour trouver des lumières et d’autres décorations. Quelqu’un d’autre a apporté un rideau de dentelle à accrocher derrière le lit pour adoucir le décor, dit-elle. Un membre de l’entourage de Mel a apporté un panneau où c’était écrit : « Le conte de fées commence ici ». Il me semblait tout indiqué de le placer sur la machine qui gardait Brock en vie. »
Brock est entré à l’Institut de cardiologie un vendredi, a reçu un stimulateur cardiaque le samedi, a demandé Mel en mariage à 16 h 30 le mercredi suivant et l’a épousée à 18 h le jeudi.
Mel rayonne à l’évocation du mariage. « Je n’en reviens pas de ce que Christina et le personnel ont fait pour nous. Trente secondes après que j’ai dit oui, elle avait déjà organisé les formulaires pour le permis, le gâteau, le photographe et les fleurs. Elle a aussi changé son quart de travail pour pouvoir être avec nous. Incroyable. »
Mel a appelé un ami pour savoir s’il connaissait quelqu’un qui pourrait les marier le lendemain. C’est la mère de cet ami qui a fait office de célébrant.
Le père de Mel, que Brock avait appelé avant la demande en mariage, a pu prendre un vol de Thunder Bay à Ottawa à temps pour la cérémonie. La mère de Mel habite à Ottawa. La veille du mariage, mère et fille sont parties à la recherche d’une robe pour la cérémonie.
« Nous sommes arrivées au centre commercial Bayshore à 20 h 15, dit Mel. À la fermeture des magasins à 21 h, nous avions ma robe et deux anneaux. Un magasinage efficace! »
Après une semaine riche en action, le couple n’était pas au bout de ses surprises. Le Dr Fraser Rubens, chirurgien cardiaque à l’Institut de cardiologie, a offert de surprendre la mariée en chantant pendant sa marche dans l’allée improvisée. Il a livré une magnifique interprétation de la classique chanson d’amour « I’ll Walk Beside You ».
À ce souvenir, Mel s’illumine. « C’était magnifique, tellement émouvant. Je n’aurais jamais pu rêver d’un plus beau mariage. C’était parfait. »
Après la cérémonie, Brock et Mel avaient une autre annonce à faire à leurs invités.
Le médecin de Mel s’était organisé pour qu’elle passe une échographie ce jour-là. Le technicien avait glissé les résultats dans une enveloppe que le couple pourrait ouvrir avec ses proches. « J’étais à moins de deux mois d’accoucher, et le bébé commençait à être un peu comprimé dans mon ventre », dit Mel en riant. « La note disait que ce serait vraisemblablement un garçon. Brock et moi avons pu choisir un nom avant l’opération. » Le lendemain, le 4 octobre, Brock a subi une ablation pour détruire les tissus à l’origine de son arythmie. Il s’agit d’une opération assez courante, mais la présence de la pompe cardiaque compliquait un peu les choses. Brock s’est bien rétabli et a pu rentrer à la maison avec Mel le 25 octobre.
Leur fils, Sawyer James Daniel Thom, est né le 21 novembre 2019. Il pesait 4 kilos et mesurait 53 cm.
De l’amour pour l’Institut de cardiologie
« À ma sortie de l’hôpital, je n’ai pas vraiment eu le temps de réfléchir à ce qui venait de se passer, dit Brock. Peu de temps après, nous avons eu Sawyer. Je pense que j’ai été en état de choc pendant quelques semaines, mais je suis si heureux et, avoir mon fils à la maison, c’est une joie indescriptible. J’ai l’impression qu’on m’a donné une deuxième chance. Être dans sa vie, le voir grandir, voir tout ça de mes yeux, c’est incroyable. »
Il se dit extrêmement reconnaissant envers l’Institut de cardiologie : les médecins qui lui ont sauvé la vie et tous les membres du personnel infirmier qui se sont occupés de lui et qui ont travaillé si fort pour leur organiser, à Mel et lui, un mariage de rêve.
« Je savais qu’il y avait un institut de cardiologie à Ottawa, mais sans plus, dit-il. Maintenant, je suis si heureux que cet établissement existe et qu’il soit dans ma ville. J’y ai rencontré plein de gens qui avaient dû quitter leur coin de pays pour venir s’y faire soigner. »
Sa femme est on ne peut plus d’accord.
« Pendant l’hospitalisation de Brock, nous avons rencontré beaucoup de patients de la côte est, de la côte ouest et des quatre coins du pays, alors que lui a pu se faire soigner dans sa ville. Avant les événements, je n’avais pas conscience de la chance que nous avions d’avoir accès à ces médecins de premier plan, dit Mel. En plus, les installations sont flambant neuves. On regarde tout cet équipement et on se trouve très privilégiés, tout ça à cause de la générosité des donateurs, quelle chance! »
Lorsqu’on lui demande comment il se sent face à l’avenir, Brock répond : « Très enthousiaste. »
Une banderole est accrochée au-dessus du buffet dans la salle à manger du couple. Confectionnée par une secrétaire-réceptionniste de l’Institut de cardiologie, elle est formée de chemises reliées entre elles à l’aide de ruban habituellement utilisé pour maintenir les sondes endotrachéales en place. Chaque carton porte une lettre qui épelle les mots « Just married » (nouveaux mariés). La banderole est restée accrochée à l’entrée de la chambre de Brock tout au long de son séjour à l’Unité de soins intensifs en cardiologie.
La banderole est un rappel simple et touchant de l’expérience bouleversante que Brock a vécue, mais aussi des efforts déployés par le merveilleux et dévoué personnel de l’Institut de cardiologie pour aider le couple à réaliser ses rêves.