Mary Armour: sauvée par le DEA
Gestionnaire de projet à l’Aéroport international MacDonald-Cartier et designer d’intérieur de formation, Mary Armour était rebutée par l’apparence des défibrillateurs externes automatiques (DEA) accrochés aux murs de l’aéroport. Pour elle, les appareils juraient avec le décor épuré des lieux.
Aujourd’hui, ces mêmes appareils lui semblent la plus belle chose du monde.
La vie de Mary a basculé au mois d’août 2018. Elle venait de manger à son bureau lorsqu’elle a ressenti un malaise, comme si elle allait s’évanouir. Alors qu’elle tentait d’avertir une collègue pour lui dire de garder un œil sur elle, elle s’est effondrée.
« Je me suis réveillée cinq jours plus tard à l’Institut de cardiologie, dit-elle. J’ai vraiment été chanceuse. Comme je travaille dans un bureau à aire ouverte, quelqu’un m’a entendue tomber. On m’a dit que j’avais aussi émis un son pendant ma chute. »
Une réaction immédiate
Sa collègue a composé le 911 et a communiqué avec le service d’urgence de l’aéroport. Deux intervenantes d’urgence — Lianne Degen et Lyann Lemieux — travaillaient en équipe ce jour-là et se trouvaient à la porte 6 du côté des destinations américaines quand elles ont reçu l’appel. Elles se sont empressées de traverser l’aéroport (sans courir pour ne pas alarmer les voyageurs) et ont attrapé un DEA sur leur chemin. « Il y en a une vingtaine un peu partout dans l’aéroport », explique Lianne.
L’information qu’elles avaient reçue était plutôt vague, mais le protocole leur dictait d’apporter un DEA. Une chance. Mary était en arrêt cardiaque, son pouls à peine perceptible. Il lui fallait un DEA de toute urgence. Les intervenantes avaient six minutes pour commencer les manœuvres de réanimation, sans quoi Mary risquait de subir des lésions cérébrales, voire d’y rester.
À leur arrivée, l’agent de police Andy Hall était déjà en train de vérifier les signes vitaux de Mary. Il leur a dit de commencer la réanimation cardiorespiratoire (RCR) sur-le-champ.
« Les premiers répondants travaillent en équipe. Andy était déjà positionné à la tête de Mary », explique Lianne. « Le travail d’équipe facilite les choses. C’est moins stressant. C’est la beauté de la RCR et de la formation », ajoute Lyann. « Nous procédions à tour de rôle. La machine nous disait quoi faire. Lorsque nous avons commencé, Mary n’avait plus de signes vitaux, mais nous étions encore dans le délai de six minutes. »
Le cardiologue de Mary ne croit pas qu’elle aurait survécu sans le DEA et l’intervention de « Lianne et Lyann ». « Il croit que tous les propriétaires et exploitants de lieux fréquentés par le public devraient être tenus de se procurer un DEA », dit Mary. Les agents de police et les ambulanciers en ont un dans leur véhicule, mais les DEA ne sont pas obligatoires dans les lieux publics, même si la Loi Chase McEachern en fait la promotion. Dans le cadre d’une initiative pour élargir l’accès aux DEA, le gouvernement de l’Ontario fournira 2500 DEA aux écoles et aux installations sportives et récréatives publiquement accessibles sur son territoire, et formera 25 000 personnes en RCR.
Les appareils sont très faciles à utiliser, affirment Lianne et Lyann. Le DEA vous dit où placer les électrodes et vous guide étape par étape. Une fois le travail terminé, l’appareil envoie toute l’information recueillie aux médecins à l’hôpital. Mary a reçu de nombreuses compressions thoraciques pendant l’intervention. Elle a survécu à son arrêt cardiaque, mais, à son réveil, avait 11 côtes brisées.
Mary a été amenée d’abord à l’urgence du Civic, puis a été transférée à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa. Ses deux filles, Michelle et Melissa, qui avaient 24 et 28 ans à l’époque, se sont fait dire que le pronostic était sombre. À voir Mary aujourd’hui, une femme lumineuse de 57 ans au sommet de sa carrière, il est difficile de croire que tout ça s’est produit il y a à peine plus d’un an. Le pronostic des médecins s’appuyait toutefois sur des faits : moins de 2 % des personnes qui subissent un arrêt cardiaque à l’extérieur de l’hôpital s’en sortent. « Tout leur faisait croire que je ne survivrais pas », dit Mary.
Elle a été hospitalisée à l’Institut de cardiologie du 1er au 24 août. « J’ai subi beaucoup de tests diagnostiques, y compris un examen d’IRM, dit-elle. En fin de compte, mon médecin pense qu’il s’agit d’une faiblesse du muscle cardiaque. Il m’a dit que si je prenais mes médicaments, je n’avais rien à craindre. » Les médecins lui ont aussi implanté un défibrillateur qui entrera en action en cas de problème. « Je ressentirai un coup dans la poitrine, comme une ruade », dit-elle.
Un optimisme prudent
Mary n’a que des louanges pour le programme de réadaptation de l’Institut de cardiologie, qui comprend notamment les services d’un physiothérapeute, d’une infirmière et d’un conseiller en orientation. Après lui avoir demandé de décrire ses journées de travail, le conseiller lui a recommandé de ralentir un peu. Il l’a aussi aidée à travailler avec son employeur – que Mary décrit comme étant « très conciliant » – pour trouver une solution.
Femme forte et indépendante, et mère monoparentale, Mary a eu de la difficulté à accepter l’aide des autres, surtout quand la frontière entre sa vie personnelle et professionnelle se brouillait.
« Pendant les trois premiers mois après mon retour au travail, dit Mary, je n’avais pas le droit de conduire, alors mon patron, qui habite dans mon quartier, passait me prendre tous les jours. Maintenant que je peux prendre ma voiture, je quitte le bureau à l’heure chaque jour. Je n’aurais jamais fait ça avant. Je demandais souvent au personnel de l’Exploitation de me laisser les lumières allumées parce que je travaillais tard. Je suis chanceuse de ne pas avoir fait mon arrêt cardiaque pendant ces soirées où j’étais seule. » Elle poursuit : « J’ai la chance d’avoir un employeur qui m’appuie totalement, quels que soient mes besoins. L’incident a été très traumatisant pour beaucoup de collègues, qui ont tout entendu. » Les autorités aéroportuaires ont presque tout de suite mis sur pied une formation gratuite en RCR que les employés ont pu suivre pendant leurs heures de travail. Quatre-vingt-onze personnes se sont inscrites.
Mary a aussi changé d’autres habitudes. Elle marche maintenant au moins 30 minutes par jour avec son chien et se fait des lunchs pour manger plus santé le midi.
Elle s’est aussi inscrite à un groupe de soutien pour personnes cardiaques. « J’ai adoré faire connaissance avec d’autres personnes cardiaques et me familiariser avec l’importance des thérapies cognitivo-comportementales, dit-elle. À la fin du cours, la personne responsable nous a demandé si nous souhaitions participer à d’autres activités du genre. J’ai dit oui à tout. Je n’ai rien refusé de ce que l’Institut de cardiologie a à offrir. »
Appelée à décrire sa vie maintenant, Mary explique qu’elle ressent un optimisme prudent et que chaque jour est un cadeau. « On devient conscient du fait qu’on n’est pas invincible, dit-elle. C’est important de le comprendre. Il faut écouter son corps. Je prenais des médicaments contre l’hypertension, mais ce n’était pas suffisant. »
Elle est aussi reconnaissante envers les collègues qui lui ont sauvé la vie.
« J’ai subi mon arrêt cardiaque au travail, dit-elle. Sans mes collègues anges gardiens, je ne serais pas ici. »